Référence HPCI
Hémodialyse
L’hémodialyse est largement utilisée dans le cadre de l’insuffisance rénale chronique. Dans le canton de Vaud plus de 350 patients bénéficient annuellement d’hémodialyse. Les patients en hémodialyse chronique sont particulièrement exposés aux infections du fait de la nécessité d’accéder à leur système vasculaire de façon répétée. En effet, dans un environnement où de nombreux patients sont traités de façon concomitante, il existe de nombreuses opportunités de transmettre des agents infectieux de patient à patient, que ce soit de façon directe ou indirecte par l’intermédiaire de dispositifs médicaux ou de surfaces contaminées ou par l’intermédiaire des mains contaminées du personnel. D’autre part, les patients hémodialysés sont non seulement immunodéprimés, ce qui augmente leur susceptibilité aux infections, mais ils requièrent de fréquentes hospitalisations et actes chirurgicaux qui les exposent aux infections associées aux soins.
La stratégie de prévention des infections associées aux soins proposée dans le canton de Vaud découle des recommandations internationales pour la prise en charge du patient en hémodialyse chronique. Elle vise à prévenir la transmission de germes contenus dans les liquides biologiques et les bactéries multirésistantes (BMR).
Risque infectieux
Infections bactériennes
Infections bactériennes
L’infection bactérienne est fréquente chez le patient hémodialysé. Deux études françaises1 rapportent une incidence des infections bactériennes de 3.2 infections/100 patient-mois et 5.7 infections/100 mois de dialyse. Les bactériémies sont responsables d’un taux de mortalité2 de 12 à 25.9% chez les patients hémodialysés ayant une insuffisance rénale terminale.
Chez les patients en hémodialyse chronique, les bactériémies3 sont la deuxième cause de décès après les maladies cardio-vasculaires, et la première cause de décès par infection. En France3, l’incidence pour les bactériémies est de 0.48 pour 100 mois de dialyse et 0.37 pour 1000 séances de dialyse. Les infections pulmonaires (7.9%) urinaires (13.4%), et sur accès vasculaire (34.7%), digestive (12.6%), représentent 3/4 des infections bactériennes. L’accès vasculaire constitue le site privilégié d’infection, même s’il ne représente souvent qu’un tiers des infections documentées.
Infection associée à l’accès vasculaire
Infection associée à l’accès vasculaire
Les infections d’accès vasculaire sont particulièrement graves puisqu’elles peuvent être à l’origine de bactériémies disséminées et de la perte de l’accès vasculaire. Dans 20 à 50% des cas l’infection de l’accès vasculaire s’accompagne d’une bactériémie. Le Centers for Disease Control and prévention (CDC) fait état d’un taux d’infection du site d’accès vasculaire de 9.5 /100 patient-année4. Deux études françaises prospectives plus récentes rapportent des taux de 4.6/100 séances de dialyse et de 3.5/100 patient-mois tous types d’abord vasculaire confondus. L’incidence des bactériémies sur site d’accès est de 0.15 pour 100 mois de dialyse et 0.13 pour 1000 séances de dialyse. Pour ce qui est des cathéters, l’incidence des bactériémies associées est de 0,65 à 5,5 pour 1 000 jours de cathétérisme dans les séries les plus récentes
L’incidence des infections en fonction des sites d’accès est pour la France en 2012:
Fistule prothétique | Fistule prothétique | Cathéter | Total | |
Incidence pour 100 mois de dialyse | 0.05 | 0.39 | 1.80 | 0.36 |
Incidence pour 1000 séances de dialyse | 0.05 | 0.20 | 1.42 | 0.30 |
Incidence pour 1000 jours d’utilisation | 0.02 | 0.13 | 0.55 | 0.11 |
Les infections d’accès vasculaire sont causées majoritairement et par ordre décroissant par les Staphylococcus aureus, les staphylocoques coagulase négative, les bacilles gram négatif, les coques Gram positif non staphylococciques et les champignons. La proportion des infections à Staphylocoques coagulase négative est supérieure chez les patients dialysés sur cathéter que chez les patients disposant d’une fistule artério-veineuse ou d’une prothèse vasculaire.
Le risque infectieux dépend de plusieurs variables :
- le type d’accès vasculaire (cathéter >> prothèse >> fistule native)
- la localisation de l’accès (membre inférieur >> membre supérieur)
- un acte chirurgical récent sur un accès vasculaire
- le manque de formation du personnel infirmier et médical (pose, manipulation, …)
- le non respect des Précautions Standard et Bonnes pratiques d’injection en hémodialyse
- un traumatisme, un hématome ou une dermatite (ou égratignure) au site d’accès
- un âge avancé
- un diabète
- une immunosuppression
- une surcharge en fer
- une mauvaise hygiène personnelle du patient
- la non compliance du patient
Infection bactérienne non liée à l’accès vasculaire
Infection bactérienne non liée à l’accès vasculaire
Les bactéries à l’origine de l’infection peuvent être de sources diverses. Les bactéries de source endogène colonisent le patient. La colonisation par des germes potentiellement pathogènes, par ailleurs souvent méconnue du personnel soignant, est fréquente chez les patients fréquentant régulièrement les structures de soins.
La colonisation résulte souvent de la transmission de germes d’un patient à un autre par l’intermédiaire des mains du personnel qui ne se soumet pas aux règles d’hygiène des mains. De façon moindre, les surfaces de l’environnement peuvent également jouer un rôle dans la transmission.
L’infection, quant à elle, apparaît lorsque les microorganismes envahissent le corps, endommageant les tissus et causant des signes et symptômes d’infection. Il a été démontré que lorsque la prévalence de la colonisation est moindre dans une population donnée, la fréquence des infections sera également moindre dans cette population.
Les recommandations en faveur de la prévention des infections en hémodialyse sont destinées à prévenir la colonisation.
Risque infectieux lié à l'hémodyaliseur
Risque infectieux lié à l'hémodyaliseur
De nombreuses épidémies imputables aux procédures inadéquates de retraitement des hémodialyseurs ou au traitement inadéquat de l’eau de dialyse ont été reportées. Les bactéries à l’origine d’une infection peuvent être de sources diverses :
- contamination du dialysat
- contamination liée à des spécificités du générateur
- contamination des solutions médicamenteuses
Contamination du dialysat
Le dialysat est composé d’eau déminéralisée et purifiée ou hautement purifiée selon le type de traitement, de concentré acide et de bicarbonate. L’élément principal pouvant être contaminé est l’eau. Son traitement physico-chimique et microbiologique est essentiel dans la prévention des infections en hémodialyse.
L’eau
L’eau subit différents traitements (déminéralisation, filtration de particules et enfin l’ultrafiltration ou filtration « stérile ») dont l’objectif est d’éliminer en grande partie les électrolytes, métaux lourds et micro-organismes. Ces procédés peuvent se faire de différentes façons et sont détaillées dans des documensts spécifiques.
Les bactéries présentes dans l'eau et pouvant être à la source d'une colonisation /infection sont essentiellement des bacilles Gram négatif et plus rarement les mycobactéries non tuberculeuses. Le principal problème est dû au passage des endotoxines, lié au phénomène de rétro-filtration (backfiltration) qui peut atteindre jusqu’à 4 litres au cours d’une séance. Ce passage bien que lié à la qualité de la membrane a été démontré avec tous les types de membranes.
Le risque infectieux lié à cette rétro-filtration est réduit lors d’utilisation d’une eau de bonne qualité microbiologique.
En Suisse, la Pharmacopée Européenne ou la norme ISO EN 23 500 déterminent les taux de contamination microbienne maximale admissibles.
Résultats microbiologiques à obtenir selon le type d’eau :
Eau purifiée | Eau hautement purifiée | Interprétation | |
Nombre de CFU/ml observés | < 100 cfu/ml | <10 cfu/100 ml | conforme |
Nombre de CFU/ml observés | > 100 cfu/ml | >10 cfu/100 ml | non conforme |
Endotoxines : Résultats à obtenir selon le type d’eau5 :
Eau purifiée | Eau hautement purifiée | Interprétation | |
Nombre de EU/ml observés | < 0.125 EU/ml | < 0.03 EU/ml | conforme |
Nombre de EU/ml observés | > 0.125 EU/ml | > 0.03 EU/ml | non conforme |
Les concentrés acides
La durée de conservation des bidons d’acides, qu’ils soient ouverts (ajout d’électrolytes) ou fermés, est définie par le fournisseur. Les «embouts de dialysat, en contact avec le dialyseur» doivent être nettoyés-désinfectés (partie externe et interne) après la séance d’hémodialyse
Les cartouches de bicarbonates
L’utilisation d’une cartouche (monodose) présente moins de risque infectieux. Que celle d’un bidon. Le support de la cartouche après l’hémodialyse est à nettoyer-désinfecter.
Contamination de l’appareil de dialyse
La principale source des infections hématogènes provient de la contamination de la surface externe du générateur. Le circuit interne de l’appareil de dialyse se compose en grande partie de tuyaux qui doivent être entretenus de façon méthodique et minutieuse. Une autre performance intégrée dans la programmation des appareils de dialyse est le changement du ou des filtres antibactériens selon les recommandations du fabricant.
L’entretien des circuits hydrauliques des générateurs nécessite la réalisation de trois étapes principales : détartrage - nettoyage - désinfection. La combinaison de ces trois étapes permet de prévenir la formation du biofilm. En fonction des procédures préconisées par les fabricants, certaines étapes peuvent être réalisées au cours d’un même cycle (ex : Traitement chimique : nettoyage et désinfection ; Traitement thermo-chimique : détartrage, nettoyage, désinfection). Le traitement thermo-chimique est à privilégier. Les tuyaux d’arrivée d’eau sont opaques afin d’éviter la formation d’un biofilm qui pourrait être une source potentielle de contamination.
Contamination des solutions médicamenteuses
Les ampoules de médicaments multi-doses (héparine, insuline, ….) représentent également une source d’infections et des épidémies associées à l’utilisation d’ampoules multi-doses ont été décrites. Dans la grande majorité des cas la contamination des flacons était due au non-respect des règles d’asepsie. Conformément au CDC en 2008, les recommandations sont :
- Mono-doses dédiées à 1 seul patient et ponctionnées 1 seule et unique fois
- Multidoses dédiées à 1 seul patient chaque fois que possible
- Préparation des injectables dans une zone propre séparée de matériel et surfaces potentiellement contaminés ainsi que des zones de traitement
- Respect de l’asepsie lors de la préparation et de l’administration d’injectables.
Infections virales
Infections virales
Contamination par les liquides biologiques
Les patients hémodialysés sont une population à risque pour l’acquisition de virus transmis par le sang en raison de la nécessité de recourir fréquemment à un accès vasculaire. Les principaux virus concernés dans ce domaine sont les virus de l’hépatite B (VHB), de l’hépatite D (VHD), de l’hépatite C (VHC), ainsi que le VIH. La prévention et le contrôle des infections virales transmises par le sang nécessitent une surveillance sérologique et une couverture vaccinale optimale aussi bien des patients que du personnel soignant. Les moyens de prévention font l’objet de procédures spécifiques. La prise en charge de patients avec une hépatite B active (présence d’un antigène HBs (HbsAg)) associé ou non à une hépatite D nécessite la mise en place de précautions additionnelles : box dédié individuel et mise à disposition de machines de dialyse strictement dédiées à ces patients. Un strict respect des Précautions Standard et Bonnes pratiques d'injection en hémodialyse permet de prévenir les risques de transmission des autres virus. Ces précautions sont détaillées dans le chapitre suivant et font l’objet d’une fiche technique.
Contamination par le générateur
Une désinfection rigoureuse de l’environnent du patient permet de limiter la transmission des virus et autres germes contenus sur les surfaces inertes. Les capteurs de pression, s’ils sont noyés par du sang en cas de surpression, peuvent être une source potentielle de contamination rétrograde.
Références :
1. Société Française d’Hygiène Hospitalière : Bonnes pratiques d’hygiène en hémodialyse. 2005 vol. XIII ;2
2. Prévention des infections en hémodialyse. Partie 2 : précautions standard au centre d’hémodialyse. Swissnoso, volume 14 N°1, 2008
3. Rapport final pour l’année 2012 du réseau de surveillance des infections en hémodialyse – DIALIN, 22 août 2013
4. Centers for Disease Control and prevention: Recommandations for preventing transmission of infections among chronic hemodialysis patients. MMWR 2001; vol.50 (RR05)
5. Pharmacopée Européenne.2011; 7e Edtion