Dialyse péritonéale
Introduction
La dialyse péritonéale est une technique d’épuration extra-rénale largement répandue qui nécessite l’implantation d’un cathéter dans la cavité péritonéale. Bien que la durée de vie des cathéters de dialyse péritonéale ait augmenté au cours des dernières années, les complications sur cathéter restent une réalité qui augmente significativement la morbidité des patients et génère souvent le retrait du cathéter. Si, dans un bon nombre de cas, le recours à l’hémodialyse est temporaire, dans 20% des cas, les complications sur cathéter nécessitent le recours définitif à l’hémodialyse.
La prévention
La prévention des infections sur cathéter péritonéal repose sur différentes variables :
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Le choix du cathéter
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Les conditions d’implantation du cathéter
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Les techniques d’implantation du cathéter
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Les soins en phase post-opératoire immédiate
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Les soins d’entretien du site d’émergence
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La prise en charge des patients porteurs de Staphylococcus aureus
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Le respect de l’asepsie lors des échanges et la formation du patient
La dialyse péritonéale peut être à l’origine de 3 types d’infections :
- l’infection du site d’émergence du cathéter
- l’infection du tunnel du cathéter
- la péritonite
La péritonite est la plus grave des complications liée à la dialyse péritonéale. Sévère et prolongée, elle peut compromettre l’intégrité de la membrane péritonéale, mettant en péril le traitement lui-même. Les patients en dialyse péritonéale automatisée (DPA) présentent un risque inférieur d’infections en comparaison aux patients en dialyse péritonéale continue ambulatoire (DPCA). Cette différence peut être associée au fait que la DPA nécessite moins de manipulations (connexions / déconnexions) que la DPCA. Il semblerait également que le fait d’avoir la cavité péritonéale vide pendant une partie de la journée serait favorable à la fonction immunitaire.
La Société internationale pour la dialyse péritonéale (ISPD) a édicté un certain nombre de recommandations afin de prévenir les infections liées à la dialyse péritonéale et en particulier la péritonite. Ces recommandations ont été actualisées en 2005. Certaines sont basées sur l’évidence lorsque celle-ci a pu être démontrée, le cas échéant, elles relèvent de l’opinion d’experts.
La surveillance
Mener une surveillance des infections sur une base annuelle
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Répertorier toutes les infections liées à la dialyse péritonéale : infection du site d’émergence, infections du tunnel et péritonites. Indiquer les micro-organismes mis en évidence et la cause de l’infection qui devrait être recherchée à chaque épisode, ceci afin de mettre en place les mesures qui s’imposent pour prévenir un 2ème épisode. Ceci implique notamment de reconsidérer la façon dont le patient procède lors des échanges et de la réfection du pansement et d’apporter des mesures correctives à sa pratique si nécessaire. L’enseignement doit toujours être fait pas une infirmière spécialisée.
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Les données de la surveillance doivent être analysées régulièrement par l’équipe de dialyse péritonéale qui prendra les mesures utiles pour corriger une évolution défavorable du taux d’infections. Le taux de péritonite par centre ne devrait pas dépasser 1 épisode par 18 mois (0.67 / année de risque).
Les recommandations pour la prévention des infections en dialyse péritonéale retenues découlent des recommandations émises par la société internationale de dialyse péritonéale révisées en 2005. Dans ces recommandations, il a été fait des choix avec l’accord des différents centres de dialyse péritonéale du canton de Vaud.
Soins et surveillances au bénéfice du patient sous dialyse péritonéale
Mise en place du cathéter
L’administration d’un antibiotique à but prophylactique au moment de l’insertion du cathéter permet de réduire le taux d’infections (Evidence) (3-6). Le cathéter actuellement recommandé est un cathéter en silicone.
- Le patient devrait rencontrer le chirurgien et/ou l’infirmière spécialisée avant la pose du cathéter afin de déterminer l’emplacement idéal du site d’émergence.
- Le patient ne devrait pas être constipé lors de la pose du cathéter.
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Les cathéters à double manchon pourraient avoir une durée de vie supérieure en comparaison aux cathéters à simple manchon et nécessiteraient moins souvent un retrait pour cause d’infection du site d’émergence. Le 1er manchon permettrait de prévenir les infections en stabilisant le cathéter. Il devrait être placé à 2-3 cm du site d’émergence.
- Un tunnel dirigé vers le bas pourrait réduire le risque de péritonite.
- La prophylaxie proposée lors de la pose du cathéter de dialyse péritonéale est une céphalosporine de 1ère ou 2ème génération versus vancomycine en cas d’allergie ou de colonisation pas du Staphylococcus aureus méticilline résistant (MRSA).
Soins du site d’insertion
Le but principal des soins du site d’insertion du cathéter est la prévention des infections, en particulier de la péritonite. La décolonisation des patients colonisés par Staphylococcus aureus pourrait avoir un rôle positif sur la prévention des infections (Evidence) (2, 7-24).
- Une fois que le cathéter a été mis en place et jusqu’à cicatrisation, le changement du pansement devrait se faire par une infirmière en dialyse en respectant l’asepsie. Le site d’émergence devrait être maintenu sec, ce qui exclut les douches et les bains pendant cette période qui dure de 2 à 4 semaines.
- Une fois que le site d’émergence est cicatrisé, le patient peut être instruit sur les soins de routine.
- Lors de la phase d’entretien, l’utilisation d’un savon antiseptique et d’eau est recommandée; privilégier l’utilisation d’un savon à base d’iode et, en cas d’allergie à l’iode, utiliser un savon neutre.
- Lors du pansement, l’utilisation d’un antiseptique est proposé pour les soins du site d’émergence. L’antiseptique proposé est la povidone iodine ou, en cas d’allergie à l’iode, la chlorhexidine semble être une option raisonnable.
- Le cathéter devrait toujours être immobilisé afin d’éviter toute traction et traumatisme au site d’émergence, ce qui pourrait être à l’origine d’infections.
- Le portage nasal de Staphylococcus aureus est associé à un risque accru d’infections du site d’émergence, du tunnel et de péritonites.
- La contamination du site d’émergence ou du système d’infusion peut se faire aussi bien à partir des mains du patient, que celles du personnel soignant ou des membres de la famille. De ce fait, il est important que le patient, le personnel soignant et les membres de la famille qui participent aux soins appliquent rigoureusement les principes d’hygiène des mains, en particulier avant l’examen du site d’émergence.
- Plusieurs protocoles d’application de pommades antibiotiques ou antiseptiques ont été examinés. Le protocole retenu est l’application quotidienne de mupirocine au point d’émergence du cathéter une fois la désinfection effectuée (à éviter en présence de cathéters en polyuréthane, car des altérations du matériel ont pu être mises en évidence).
Méthodes d’instructions
Les méthodes d’instructions influencent le taux d’infections (Evidence) (25-27).
- Il a été démontré qu’une instruction minutieuse et répétée permet de réduire le taux de péritonite.
- Les principes de l’asepsie doivent être enseignés au patient et, dans ce contexte, il est important d’insister sur l’hygiène des mains.
- Le lieux où se font les échanges doit être propre, libre de poils d’animaux, de poussières et de ventilateur.
- Les patients doivent connaître les mécanismes de la transmission des germes et savoir comment réagir en cas de contamination du dispositif de dialyse péritonéale. En effet une péritonite peut survenir en cas de transmission de germes pendant le branchement ou l’échange lors d’ erreur d’asepsie.
- Les infirmières de dialyse jouent un rôle central dans la prévention des infections. Une surcharge de travail ne permet pas d’instruire les patients correctement. Il est recommandé de visiter les patients à domicile afin de s’assurer que la technique appliquée par le patient soit correcte.
Prévention des infections liées à des troubles intestinaux
Il existe une association entre la constipation sévère, l’entérite, la colite et la péritonite due à un micro-organisme entérique (Evidence) (29, 30).
- Possiblement, la péritonite résulte de la transmigration de bactéries à travers la paroi intestinale. Les patients dialysés peuvent présenter une hypomotilité intestinale, être plus enclins aux ulcérations gastro-intestinales et aux saignements et tendent à ingérer des médicaments favorisant la constipation (fer, calcium, analgésiques). Les patients devraient être informés du risque de constipation et de l’importance d’avoir un transit régulier. L’hypokaliémie qui peut aggraver l’hypomotilité intestinale devrait être traitée.
- Les colites et les diarrhées peuvent être suivies de péritonites dont l’origine serait la transmigration de bactéries à travers la paroi intestinale. Les maladies inflammatoires de l’intestin sont une contre-indication à la dialyse péritonéale.
Prophylaxie antibiotique lors d’erreurs d’asepsie
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Un antibiotique à visée prophylactique devrait être envisagé en cas d’erreur d’asepsie lors du branchement ou lors de contamination du liquide de dialyse.
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Une culture du dialysat peut être utile pour décider du traitement.
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Le patient et les infirmières doivent être instruits à contacter le médecin néphrologue en cas d’erreur d’asepsie. Il est de sa responsabilité de prescrire ou non une antibiothérapie dans ces situations.
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L’amoxicilline+acide clavulanique ou éventuellement la vancomycine sont des options raisonnables.
Prophylaxie antibiotique lors de procédures invasives
Les procédures invasives peuvent être à l’origine d’infections chez les patients en dialyse péritonéale (Evidence) (1, 28).
- Bien qu’une dose orale d’amoxicilline (2 g) administrée 2 heures avant une procédure dentaire extensive soit proposée par certains experts, cette indication est laissée à l’appréciation du médecin néphrologue.
- Les patients qui subissent une colonoscopie avec polypectomie sont à risque de développer une péritonite entérique, probablement à cause d’un mouvement de bactéries à travers les intestins en direction de la cavité péritonéale. Une dose d’amoxicilline+acide clavulanique ou de cefuroxime + métronidazole administrés par voie intraveineuse juste avant la procédure est retenue. Il est recommandé de vider l’abdomen de tout liquide avant toute procédure impliquant ce dernier ou la ceinture pelvienne (colonoscopie, transplantation rénale, biopsie endométriale).
Surveillance et prévention des infections transmises par les liquides biologiques
La prévalence des patients infectés par VHB et VHC dans la population sous dialyse péritonéale est supérieure à celle de la population générale, mais inférieure à la population hémodialysée. Afin de prévenir la transmission de virus sanguins chez les patients en dialyse péritonéale, il est néanmoins nécessaire de mettre en place une stratégie adaptée. Cette stratégie comprend :
- Tests sérologiques de routine pour le dépistage et le suivi des hépatites B et C.
- Vaccination contre l’hépatite B des patients susceptibles (31-34).
- Surveillance des séroconversions.
- Application des Précautions standard lors de la prise en charge de tout patient en dialyse péritonéale.
- Lors de l‘enseignement chez les patients avec hépatite B et HbsAg positifs, utilisation du cycleur du patient plutôt que du cycleur du centre.
- Formation continue du personnel à la prévention des infections.
En pratique
Diverses fiches techniques (FT) et recommandations concernant la prise en charge des patients en dialyse péritonéale découlent de ce document et sont à disposition des spécialistes en dialyse péritonéale et des bénéficiaires (patients et familles).